Planetsport.ch : Bonjour Sebastien, merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Avant de démarrer, peux-tu te présenter ainsi que ton parcours ?
SB : Je suis né en France en 1983. Je suis rapidement venu jouer au football en Suisse où j'ai évolué jusqu'en D2. Par la suite, j'ai commencé à entrainer très tôt et, à 27 ans, je me suis retrouvé dans l'élite du football suisse en entrainant les jeunes du Team Vaud au Lausanne-Sport. Je suis passé professionnel au LS en intégrant le staff de la première équipe alors en Super League et en entrainant les M18. J'ai ensuite rejoint le FC Sion pour entrainer les M21 pendant cinq ans, en Promotion League. Nous avons obtenus de très bons résultats avec notamment une cinquième place. À 36 ans, j'ai passé ma licence professionnelle et il y a deux ans je suis parti me performer au Brésil avant de rejoindre le staff technique du Kosovo en novembre 2020.
Après toutes ces expériences, quel regard portes-tu sur les camps d'entrainement et leur importance dans la planification d'une saison ?
Pour moi, il est déjà très important de différencier les camps estivaux et hivernaux. En été, le camp d'entrainement te permet de démarrer la saison et de découvrir tes joueurs. Il faut donc optimiser un maximum le temps à disposition pour rencontrer ses joueurs individuellement et apprendre à les connaitre. C'est très important pour la suite de la saison. Dans ce métier, nous avons peu de temps pour devenir performants, c'est pourquoi il faut profiter de chaque minute. En camp, on est concentrés sur le football, dans notre bulle et on a l'occasion de faire des choses qu'on ne fait pas le reste de l'année. En hiver, on va aussi pouvoir profiter du camp d'entrainement pour mieux connaitre son équipe. Mais ce qu'on recherche surtout, ce sont des conditions d'entrainement de qualité et une météo agréable, que l'on a pas en Suisse à cette période de l'année. Quand tu voyages en Turquie ou en Espagne, c'est aussi l'occasion d'affronter de nouvelles équipes, de découvrir de nouvelles approches du football. C'est important de sortir de la routine de la saison pour insuffler une nouvelle dynamique. C'est un moyen de casser la routine efficace pour la dynamique de groupe.
Tu as des préférences lorsque tu choisis tes destinations pour un camp d'entrainement ?
L'été, j'aime bien l'air frais et l'oxygénation qu'offrent les montagnes suisses. Crans-Montana, par exemple, est une excellente destination tout comme l'Autriche. Mais attention, il ne faut pas trop non plus s'éloigner des conditions que l'on va trouver en compétition. L'hiver, on cherche plutôt le soleil et donc des pays comme le Portugal, l'Espagne ou la Turquie qui offrent d'excellentes conditions d'entrainement.
Comment programmes-tu une semaine de camp d'entrainement ?
Tout est planifié à l'avance, c'est très important ! On laisse une toute petite part à la découverte sur place. Le but est vraiment d'optimiser le temps à disposition sur place. On va tenter de travailler sur deux axes : le premier est le football. On va bien évidemment programmer beaucoup de préparation physique mais également des séances tactiques et des matchs amicaux. Ensuite, on va aussi travailler sur l'esprit d'équipe en organisant des activités et des sorties. J'aime mettre mes joueurs dans des situations difficiles pour voir les caractères de chacun et voir lesquels sont des leaders. Des moments difficiles, une équipe en traverse toujours durant une saison et pour un entraineur, c'est important de savoir sur qui il peut compter pour redresser une situation délicate.
Quelles infrastructures recherches-tu lorsque tu pars en camp d'entrainement ?
Il y a bien sur le terrain de football qui est très important. La distance par rapport à l'hôtel est très importante également. On est plus flexibles si on a pas besoin de bus par exemple. J'aime bien avoir un terrain et demi à disposition pour pouvoir effectuer divers exercices ou diviser le groupe. Ensuite, c'est surtout des infrastructures de récupération comme un centre de spa et de bien-être par exemple. Mais des éléments naturels comme la mer pour la récupération ou la forêt pour des promenades sont également très intéressants. Je vais rechercher plus le fonctionnel que le luxe.
Tu as vécu des camps d'entrainement en tant que joueur professionnel, joueur semi-professionnel, entraineur de jeunes et maintenant entraineur d'équipes professionnels. Quelles sont les grandes différences entre ces niveaux ?
Pas grand chose au final. Tu recherches toujours les mêmes objectifs sportifs et humains. Avec les jeunes par contre, c'est toujours sympa de pouvoir proposer des activités annexes ou être dans un endroit animé. On avait été à Barcelone par exemple et on avait assisté à un match du FC Barcelone. Les jeunes avaient adorés. Avec les professionnels, tu peux aussi organiser une activité de groupe. Un camp d'entrainement, c'est l'opportunité pour les joueurs de mieux se connaitre !
Et avec les équipes amateures, quelles sont selon toi les grandes différences ?
On a tous en commun l'objectif humain quand on part en camp d'entrainement : améliorer la cohésion de groupe et les relations entre les joueurs et le staff. Que tu sois en 5ème ligue ou en Super League, sur ce point là, rien ne change, c'est pareil. Par contre, en professionnel, un camp d'entrainement, ce n'est pas un cadeau : il fait partie du job, il a une portée symbolique car il marque le début de saison en été et la reprise en hiver. Tu es vraiment là pour ton travail. En amateur ou en jeune, un camp d'entrainement représente plus une récompense. On y va pour apprendre et découvrir. La première fois que j'ai quitté la France, c'était pour un camp d'entrainement. La Turquie ? Je l'ai découverte grâce à un camp d'entrainement. C'est aussi ça le football, il te fait découvrir le monde.
En sélection nationale, c'est forcément un peu différent, non ?
On est souvent en rassemblement. Cela ressemble à un camp d'entrainement car on se retrouve à l'hôtel aussi. Mais on est en mode compétition et on a très peu de temps à disposition. Il y a plus de stress, de pression. L'aspect culturelle entre en compte aussi avec des joueurs aux valeurs communes qui se rejoignent de temps en temps pour représenter leur pays. C'est très différent d'un camp d'entrainement traditionnel enfait.
Quels sont vos objectifs avec le Kosovo ?
L'idée est de travailler dans la continuité du travail de Bernard Challandes qui a vraiment fait du très très bon boulot ici au Kosovo. On veut apporter notre vécu et notre expérience avec Alain Giresse et faire progresser cette jeune génération. Grâce à la Ligue des nations, on a l'opportunité de viser le prochain EURO. Cette nouvelle compétition est vraiment une opportunité pour nous car les phases de groupe de qualifications sont toujours très difficiles. On l'a encore vu cette année, même l'Italie peut échouer !
Entrainer le Kosovo depuis la Suisse, c'est un peu spécial, non ? Il y a beaucoup d'attentes et de responsabilités.
Paradoxalement, on ressent plus de pressions ici qu'au Kosovo. Quand on est là-bas, on est dans notre bulle et on a très peu de temps pour ressentir la pression. En Suisse, on croise souvent des supporters qui viennent nous parler. On sent qu'il y a beaucoup de passion autour de l'équipe nationale, et pour nous, c'est fantastique, c'est le genre de défi que l'on recherche. Le fait d'être basé ici en Suisse permet également d'être idéalement situé pour observer nos joueurs qui évoluent principalement en Europe occidentale.
Tu aurais un conseil à donner à un entraineur amateur qui prépare un camp d'entrainement ?
Ce que je peux conseiller, c'est de planifier au maximum son camp d'entrainement avant le départ pour pouvoir en profiter un maximum. Pour cela, il faut s'entourer de professionnels, comme votre agence, et échanger un maximum afin d'atteindre au mieux les objectifs recherchés. Sur place, il faut vraiment créer une expérience mémorable pour son équipe au niveau sportif et humain.
Pour terminer, tu as une anecdote de camp qui te vient en tête ?
Je vais t'en citer une. Nous étions partis en Espagne avec une équipe de jeunes. Durant tout le stage, on avait insisté sur l'importance de l'alimentation. On avait vraiment mis un accent spécifique là-dessus. Le dernier jour, à l'aéroport, on a décidé de les laisser libres. On les a tous retrouvés au fast-food avec le survêtement du club. Forcément, on a moyennement apprécié car on avait vraiment insisté sur l'alimentation tout au long du stage. Du coup, on a décidé de les faire digérer à notre façon et on les a fait courir dans l'aéroport. Tout le monde nous regardait, c'était assez fou et assez drôle maintenant que j'y repense. Mais cela relève surtout deux éléments: un camp d'entrainement ne se termine pas à l'aéroport mais à la maison (il doit servir à construire le futur) et l'importance du respect des consignes et de ses entraineurs !